Réflexions sur le rôle de la lecture dès la naissance et sur l’acquisition du langage grâce aux livres

La lecture dès la naissance

Ce n’est pas parce que c’est un nourrisson qu’il ne faut pas lire d’’histoires à Bébé. En effet, dès sa naissance, la présence de l’objet livre dans son univers, la lecture d’histoires sont déjà primordiales pour le jeune enfant.
Jouer avec les sons, puis avec les mots contribue à sa construction affective, psychique et cognitive. Dès la naissance, un travail invisible est mis en place chez le bébé, favorisant plus tard l’acquisition du langage. Bébé construit du sens tout d’abord avec la musique des voix (celle des parents déjà connue in utero) et leur intonation. Bébé reçoit d’abord des informations par la tonalité des voix de ceux qui l’entourent. Il saisit la joie, la tristesse, la colère. Il ne conceptualise pas encore, il pense d’abord de manière sensorielle, c’est-à-dire qu’il ressent et cela intensément. Un peu plus tard, il mettra du sens sur les mots. Progressivement le langage et la pensée se construiront chez lui. Mais avant tout, chez le tout petit, la lecture dans les bras réconfortants et chaleureux de maman ou de papa, même d’une autre personne de la famille ou de la nourrice, procure sécurité, affection, tendresse, crée un lien entre lui et eux. C’est un moment important de partage qui va se poursuivre au fil des mois et des années avec de nombreuses variantes au fur et à mesure que Bébé grandira.

Il est ainsi important de lire des histoires au nourrisson qui pense de manière sensorielle, ressent intensément les messages transmis par la voix de ceux qui s’adressent à lui, par leurs gestes, leur corps . Bébé est dans les affects. L’amour dont il est entouré passant par différents canaux va faire de lui un être équilibré. N’oublions pas la célèbre phrase de la psychanalyste Françoise Dolto : « Le bébé est une personne ». Bébé est un sujet à part entière. Il faut d’emblée le traiter comme tel, lui consacrer du temps, l’aimer, le chérir, le respecter. En outre, le temps passe tellement vite. Ces tendres et sublimes moments avec lui ne vont pas durer longtemps même si parfois les parents fatigués par, entre autres, les pleurs nocturnes trouvent le temps bien long.

L’acquisition du langage grâce aux livres


Comme nous l’avons signalé précédemment, un travail invisible mais réel prépare les premiers mots de Bébé dès son entrée dans le monde. Il construit d’abord du sens par rapport à la mélodie, à l’intonation de la voix entendue. Il sait d’emblée s’il est aimé ou rejeté, si papa ou maman sont angoissés, nerveux ou calmes, si l’histoire racontée est joyeuse, rythmée. Il reçoit une multitude d’informations de la voix de papa et de maman. Il les intériorisent.
Puis, au fil des mois, il va imiter les sons entendus : il babille, gazouille.
Tout d’abord, dans le ressenti, dans l’émotion, Bébé n’a pas encore construit de représentations mentales. Il reproduit les sons. Puis progressivement il met du sens sur ce qu’il entend et exprime.
Bébé évolue dans le monde des sensations. L’objet livre (je ne parle que du livre puisque c’est l’objet de cette réflexion. Mais il est évident que les jouets, leur texture, leurs couleurs, leurs sons… influencent considérablement l’évolution de l’enfant et l’acquisition du langage), ne fait pas simplement passer des messages vocaux, mélodiques. Il touche tous les sens de Bébé. Bébé manipule le livre cartonné, solide, adapté à ses gestes encore malhabiles. Il en apprécie la texture lisse, douce, veloutée… Il le regarde, observe les couleurs, les formes, le mordille, le laisse tomber, heureux de voir papa ou maman, apparaître, disparaître pour le ramasser et le lui redonner. Tout est jeu pour lui.
Progressivement les représentations mentales, les concepts naissent chez l’enfant. Le quotidien est dans le vécu et dans les histoires. L’enfant entre dans le symbolique, désigne les objets que ses parents vont nommer. Le mot représente ce qui est dans son esprit , c’est ainsi que les premières paroles apparaissent accompagnées de l’amour pour le livre. Peu à peu son vocabulaire va s’enrichir. Un lexique riche est un nuancier important pour expliquer son ressenti, ses émotions, ses pensées, ses idées, pour nommer et comprendre le monde parfois bien opaque dans lequel nous vivons.
En effet, petit à petit, le jeune enfant comprend , attentif, émerveillé, ce qui lui est raconté. Le livre est un objet merveilleux pour lui, une ouverture à la vie, au monde, à un ailleurs, à l’Autre…, une ouverture aussi à l’imaginaire, aux rêves. Pensons à ce que dit Jean-Paul Sartre, écrivain, dramaturge, philosophe, dans son autobiographie Les Mots à propos du rôle essentiel qu’ont joué chez lui le livre et la lecture dans sa petite enfance: « J’ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres (…) Je les touchais en cachette pour honorer mes mains de leur poussière (…) Je ne savais pas encore lire que, déjà, je les révérais, ces pierres levées ; droites ou penchées, serrées comme des briques sur les rayons de la bibliothèque ou noblement espacées en allées de menhirs, je sentais que la prospérité de notre famille en dépendait ». Sartre, enfant, vénère les livres. Très vite, il dévore tous ceux de l’immense bibliothèque de son grand-père, même ceux qui ne sont pas adaptés à son âge ! C’est cet amour du livre et de la lecture qui a contribué à faire de lui l’homme de Lettres intelligent, cultivé, doté d’un esprit critique aigu qu’il était. La lecture permet l’acquisition du langage. De surcroît, elle aide à grandir et le fait grandir.

Ces réflexions sont fondées, entre autres, sur des souvenirs de lectures
d’ouvrages de Françoise Dolto (psychanalyste), de Donald Winnicott (pédiâtre), d’Evelio Cabrejo Parra (linguiste)
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